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Artiste portugaise, vit et travaille à Paris
L’esthétique chimérique des sculptures de l’artiste et poète portugaise Isabel Meyrelles revisite le jeu surréaliste du cadavre exquis dans lequel la beauté et la poésie naissent de la juxtaposition : de cette fameuse « rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. »
Une esthétique du chimérique fédère ses œuvres. Eluard rêvait d’un monde où « les poissons chantent comme des perles ». Sa Licorne, son Chat-canard font écho aux femmes-panthères de Toyen, son Dragon stylisé est une sorte d’autoportrait qui évoque les autoportraits animaliers de deux femmes peintres, Remedios Varo ou Leonora Carrington.
Isabel Meyrelles trouve des solutions inédites à l’opposition entre éléments biomorphiques et éléments géométriques. Les seins ou le visage surgissent d’une surface lisse comme le verre. Parfois, un objet concret (instrument de musique, revolver, marches d’escalier) sert de matrice conceptuelle à l’œuvre. La forme du violoncelle a souvent inspiré les surréalistes par son analogie avec le corps de la femme.
Isabel Meyrelles s’inscrit dans cette tradition, elle joue des purs volumes et donne à voir un corps féminin surmonté d’une tête d’oiseau.
Peut-on obtenir une chimère sans recourir à l’animal ? Isabel semble le penser lorsqu’elle propose, mettant en volume un dessin de Cruzeiro Seixas, une jambe terminée par un pied se prolongeant par un bras d’où surgit une main. La courbe toute-puissante poursuivant son mouvement propre commande la métamorphose. Nulle référence ici qui soit directement animale. Et pourtant : « Bras qui reflète à s’y méprendre le col du cygne. » C’est Breton parlant de Miro, mais cette phrase pourrait tout aussi bien être un commentaire sur la jambe qui se fait bras dans cette sculpture d’Isabel.
Une Isabel qui n’oublie pas ses attaches lusitaniennes. La sculpture intitulée Ulysse se veut un hommage aux grands navigateurs portugais qui, bien avant Christophe Colomb, partaient à la découverte de terres inconnues sur des embarcations de fortune. De part et d’autre d’une barre verticale (figurant peut-être le mât) un visage en demi-lune (notre héros) et une ancre de bateau. Cette circonférence évidée tient lieu de voile à une petite barque. Comment ne pas penser à la série de toiles que Benjamin a consacrées au périple de Vasco de Gama ?
Ses oeuvres sont parfois un hommage direct à d’autres surréalistes : ainsi, à la mémoire de Breton, un Révolver à cheveux blancs. Parfois elles sont nées d’un objet “trouvé” – clef, oeuf, coquillage – comme celui qui surmonte la tête de la Licorne. Etonnante licorne dont le corps est un serpent qui se mord la queue (“ouroboros”), formant en creux la forme parfaite d’un oeuf. Elle invite à la méditation.
(texte de Françoise Py, Maître de conférences à l’Université de Paris 8 en Histoire et Théorie de l’Art)
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